Photo essay : Boujloud (l'homme aux peaux) de et avec Kenza Berrada

Date: 18 December 2023

La campagne des 16 jours d’activisme a été enrichie par une composante artistique à travers la représentation de la pièce de théatre "Boujloud (l'homme aux peaux)" à l'École de Cirque Shems’y le 5 décembre 2023.  Cette représentation théâtrale, organisée par l'Institut français du Maroc et le pôle gouvernance de l'Ambassade de France au Maroc, en partenariat avec ONU Femmes Maroc et l'Ecole Nationale de Cirque SHEMS'Y, contribue au plaidoyer et à la sensibilisation du grand public pour l’élimination de toutes formes de violences faites aux femmes et aux filles. 

Le Pont Mohammed VI au Maroc était l'un des sites et bâtiments illuminés en orange pendant la campagne des 16 jours d'activisme contre les violences fondées sur le genre. Crédit photo : ONU Femmes Maroc.
Le Pont Mohammed VI au Maroc était l'un des sites et bâtiments illuminés en orange pendant la campagne des 16 jours d'activisme contre les violences fondées sur le genre. Crédit photo : ONU Femmes Maroc.

Au Maroc, et selon les données du Haut-Commissariat au Plan (HCP) de 2019, le taux de prévalence des violences faites aux femmes, toutes formes confondues, est de 57% (7,6 millions de femmes). L’enquête révèle également que les actes de violence sont très peu déclarés et rapportés à une autorité compétente (13% en cas de violence physique et seulement 3% en cas de violence sexuelle). La violence psychologique reste la forme la plus répandue parmi les femmes âgées de 15 à 74 ans avec un taux de 47,5%, soit 6,4 millions de femmes. Cette violence, qu’elle soit verbale (insultes) ou sous forme d’intimidation, de menaces de violence ou de contrôle du comportement d’autrui n'en est pas moins éprouvante et destructrice pour les victimes, car elle touche leur estime de soi et les fait vivre dans un climat de peur et d’insécurité. Ces chiffres alarmants appellent à intensifier les actions pour prévenir les violences, protéger les survivantes et leur assurer des services essentiels adéquats.

 

Kenza Berrada, artiste engagée, saisie en pleine réflexion lors de son investigation sur le consentement au Maroc. Crédit photo : Kenza Berrada
Kenza Berrada, artiste engagée, saisie en pleine réflexion lors de son investigation sur le consentement au Maroc. Crédit photo : Kenza Berrada

Dans l'ombre des chiffres, des vies se tissent dans un récit de survie. Kenza Berrada, artiste engagée, se dresse dans son sanctuaire créatif, prête à donner une voix à ces histoires silencieuses à travers son enquête sur le consentement où elle dialoguera avec des femmes de sa génération. Pour elle, ce n'est pas simplement une enquête, c'est une exploration personnelle qui donne naissance à Boujloud (l'homme aux peaux), une œuvre où chaque mot et chaque mouvement sont imprégnés de la réalité crue d’histoires souvent oubliées.

 

Kenza incarne Houria en spectacle. Crédit photo : Onu Femmes Maroc
Kenza incarne Houria en spectacle. Crédit photo : Onu Femmes Maroc

“Je ne pensais pas que mon histoire intéresserait quelqu'un”, a murmuré Houria, révélant ainsi une source d'inspiration inattendue pour Kenza. De cette rencontre est né Boujloud (l'homme aux peaux), une œuvre artistique qui va au-delà de l'enquête sur le consentement, portant en elle la puissance des récits individuels et la quête collective d'un changement culturel. Ancré dans les récits intimes de femmes marocaines, Boujloud (l'homme aux peaux) se présente comme une mosaïque complexe explorant avec finesse les multiples aspects du consentement, éclairant la réalité souvent dissimulée des expériences féminines au Maroc.

 

Boujloud, en transe, prend vie à travers l'interprétation de Kenza. Crédit photo : Onu Femmes Maroc
Boujloud, en transe, prend vie à travers l'interprétation de Kenza. Crédit photo : Onu Femmes Maroc

Dans la trame de Boujloud (l'homme aux peaux), la Mascarade s'articule autour d’une suite de paroles brutes où la victime, l'agresseur, les témoins, et parfois ceux qui préfèrent demeurer dans l'ignorance, prennent la scène. Cette représentation nous immerge dans le rituel ancestral marocain de Boujloud, l'homme-animal, devenant ainsi une métaphore des tensions sociétales.

 

Présentation de Boujloud pendant le spectacle. Crédit photo : Onu Femmes Maroc
Présentation de Boujloud pendant le spectacle. Crédit photo : Onu Femmes Maroc

Le personnage éponyme, mi-homme mi-bête, incarne la dualité des perceptions autour du consentement. Il est à la fois craint et adoré, symbolisant la complexité des dynamiques de pouvoir. Le Boujloud marocain donne fertilité, guérison, et baraka, mais derrière le masque, se cachent des réalités dérangeantes, rappelant une transformation divine punissant l'abus sexuel.

 

Capturée lors du spectacle : Kenza en quête de réponses. Crédit photo : ONU Femmes Maroc
Capturée lors du spectacle : Kenza en quête de réponses. Crédit photo : ONU Femmes Maroc

Au sein du récit envoûtant de Boujloud (l'homme aux peaux), des questions surgissent, flottant dans l'atmosphère comme des murmures inaudibles. Comment faire entendre sa voix dans le tumulte du récit ? Existe-t-il un timing propice pour s'exprimer et être réellement écouté ? Ces interrogations, semblables à des refrains lancinants, traversent le récit, s'entremêlant avec les thèmes du consentement et de la communication complexe, tout en laissant le spectateur immergé dans l'incertitude des réponses à ces questions sans cesse revenantes.

 

Pendant le spectacle, l'émotion inonde le public, le plongeant dans une immersion poignante. Crédit photo : ONU Femmes Maroc
Pendant le spectacle, l'émotion inonde le public, le plongeant dans une immersion poignante. Crédit photo : ONU Femmes Maroc

L'histoire envoûtante de Boujloud (l'homme aux peaux) réveille une conscience collective parmi le public. Les questions, telles des émissaires mystiques, se glissent dans les esprits. Une réflexion commune émerge, tissant une trame de pensées riches et variées. Les spectateurs, guidés par les interrogations persistantes du récit, s'engagent dans une introspection, explorant les méandres de l'abus et du consentement. Dans cette émergence, se tisse un fil invisible qui unit le public dans une quête partagée de compréhension et d'empathie.

 

Kenza, capturée dans un moment d'échange et d'espoir. Crédit photo : ONU Femmes Maroc.
Kenza, capturée dans un moment d'échange et d'espoir. Crédit photo : ONU Femmes Maroc.

Kenza Berrada, porteuse de Boujloud (l'homme aux peaux), aspire à bien plus qu'une simple représentation artistique. Son rêve réside dans la création d'un monde plus équitable, où la parole trouve son écho sans entraves. Boujloud (l'homme aux peaux) devient ainsi une plateforme pour l'expression libre, dévoilant les vérités enfouies et provoquant une réflexion profonde sur le consentement et ses nuances. À travers cette création, Kenza espère semer les graines d'un dialogue ouvert, favorisant une société où chaque voix, comme celle de Boujloud, est entendue et respectée dans sa singularité.