Gouvernance et planification nationale et locale
L’inégalité des sexes correspond à un échec de la gouvernance. Les politiques, les plans et les budgets nationaux reflètent la manière dont les gouvernements traduisent leurs engagements en faveur de l’égalité des sexes afin d’améliorer les conditions de vie des femmes et des hommes. Cependant, il existe trop souvent un écart entre la politique et la pratique. L’étude du domaine de la gouvernance, en adoptant une perspective sensible au genre, implique de mettre de côté les hypothèses conventionnelles selon lesquelles elle est neutre du point de vue du genre. La réalité sociale sur laquelle agit l’action publique reste marquée par les inégalités. Cela implique d’évaluer ces lacunes en matière d’égalité des sexes de manière exhaustive, et d’identifier les mesures pour y remédier à travers les politiques publiques, et l’allocation de ressources financières pour leur mise en œuvre. Des financements adéquats doivent soutenir les changements en vue de promouvoir l’égalité des sexes, et un suivi systématique des progrès en matière de réduction de la discrimination basée sur le sexe est également nécessaire.
ONU Femmes Maroc œuvre dans ces domaines de la gouvernance qui sont les plus à même d’accélérer les progrès vers l’égalité des sexes. Notre approche est transformative et vise l’atteinte de résultats concrets. Nous contribuons à établir des ponts entre les stratégies de développement nationales et les objectifs d’égalité des sexes. Nous soutenons la réalisation d’étapes clés pour la mise en place de politiques et budgets sensibles au genre, telles que le renforcement des capacités des représentant·e·s des départements ministériels à l’intégration des mesures relatives à l’égalité des sexes dans les plans et les budgets et l’appui au développement d’outils et méthodologies pratiques et accessibles.
Nous nous faisons les défenseurs d’un financement public transparent et adéquat en faveur de l’égalité des sexes, y compris par le biais de l’adoption de budgets qui tiennent compte des besoins et intérêts spécifiques des femmes et des hommes, de filles et garçons, et affectent des ressources adéquates pour redresser les écarts. . La collaboration avec d’autres défenseurs de l’égalité des sexes au sein de la société civile et le parlement, contribue à renforcer leurs capacités à influencer la prise de décision publique et à demander des comptes aux gouvernements.
Au niveau national : Depuis le début des années 2000, le Maroc s’est engagé dans un processus de mise en œuvre de la Budgétisation Sensible au genre. Ce processus a notamment été marqué par la création en 2013 du Centre d’Excellence pour la BSG, plateforme de coordination de la généralisation de la BSG au travers de la formation, l’accompagnement des parties prenantes et la production de savoir et d’outils dans le domaine de la BSG.
L’adoption en 2015 de la nouvelle Loi organique relative à la Loi de Finances (LOF) a permis d'institutionnaliser de la BSG au Maroc. Cette loi fonde juridiquement la prise en compte de l’égalité des sexes tout au long d’un processus de programmation budgétaire et dans le suivi et l’évaluation de programmes publiques. Elle institutionnalise également le fait qu’un Rapport Budget Genre soit produit chaque année et accompagne le projet de Loi de Finances.
Au niveau local : Le Maroc a enregistré durant ces dernières années une évolution notable en matière d’institutionnalisation de l’égalité hommes femmes et de gouvernance territoriale sensible au genre, y compris en matière de participation des femmes dans les affaires territoriales.
La Constitution du Royaume, adoptée en juillet 2011, est venue renforcer les avancées importantes enregistrées par le Maroc en matière d’égalité de genre et a consacré l’égalité et la parité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines. En effet, l’article 19 de la Constitution introduit le principe de parité et rend désormais constitutionnelles les mesures d’action affirmative au bénéfice des femmes.
Elle fait état également de la nécessité de prévoir dans la loi « des dispositions de nature à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives » (article 30). L’article 146 relatif aux collectivités territoriales stipule quant à lui qu'une loi organique devra fixer « (…) les dispositions visant à assurer une meilleure participation des femmes au sein des Conseils ».
Conformément aux dispositions constitutionnelles, le Dahir N° 1-15-90 en date du 16 juillet 2015 portant promulgation de la Loi Organique N° 34-15 modifiant et complétant la Loi Organique N° 59-11 a réservé des sièges aux femmes au niveau communal et régional. Ainsi, à la suite du scrutin du 4 septembre 2015, le pourcentage des sièges occupés par les femmes est passé de 12% (2009) à 21,18% au niveau communal et le pourcentage des femmes élues au sein des conseils régionaux a atteint le pourcentage significatif de 38%.
En parallèle, les lois organiques relatives aux collectivités territoriales (la loi 111.14 relative aux régions, la loi 112.14 relative aux préfectures et provinces et la loi 113.14 relative aux communes), promulguées en juillet 2015, viennent élargir les compétences des collectivités territoriales à travers la mise en place du principe de libre administration.
Ces lois ouvrent également des perspectives importantes en ce qui concerne la mise en place de mécanismes et outils en faveur d’une gouvernance sensible au genre et garantissant une égalité des chances effective entre les citoyennes et les citoyens.
A cet effet, la loi organique n° 111.14 relative aux régions, la loi 112.14 relative aux préfectures et provinces et la loi 113.14 relative aux communes prévoient :
- La création d’entités consultatives en partenariat avec la société civile dénommées « Instances équité, égalité des chances et approche genre » (art.117, art.111 et art. 120 respectivement) ;
- L’élaboration du Programme de Développement Régional (art.83), du Programme de Développement Préfectoral et Provincial (art.80) ainsi que du Plan d’Action des Communes (art.78) tenant compte de l’approche genre ;
- La prise en considération de l’aspect genre lors de la fixation des objectifs des programmes ou projets inscrits dans le budget et de la définition des indicateurs chiffrés devant permettre de mesurer les résultats escomptés (art. 171, art. 150 et art.158 respectivement).
De même, l’article 7 des décrets d’application des lois organiques relatives aux collectivités territoriales (publiés en Juillet 2016) et qui fixent les procédures d’élaboration du Programme de Développement Régional, du Programme de Développement Préfectoral et Provincial et des Plans d’Action des Communes, associe les Instances consultatives « Instances de l’équité, égalité des chances et approche genre (décret 2.16.299, 2.16.300, 2.16.301 respectivement) au processus d’élaboration de ces Programmes et Plans.
ONU Femmes Maroc appuie la mise en œuvre de la budgétisation sensible au genre (BSG) au Maroc au travers d’un partenariat de long terme avec le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration pour la mise en place et le développement du centre de l’excellence de la budgétisation sensible au genre. Par ailleurs, ONU Femmes Maroc s’est également engagée en 2019 dans un partenariat tripartite avec l’Agence Française de Développement (AFD) et l’Union Européenne (UE) visant à appuyer le Centre d’Excellence de la BSG du Ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration dans ses missions : formation et accompagnement des parties prenantes de la BSG, production d’outils et de connaissances sur la thématique, partage de bonnes pratiques et rayonnement de l’expérience marocaine de BSG. Ces financements sont traduits par deux conventions de financement : une convention AFD « Renforcement de la Budgétisation Sensible au Genre au Maroc à horizon 2023 », s’étalant du 1 juillet 2019 au 31 décembre 2022 et une convention de financement UE « Financer l’Egalité : Renforcement de la BSG au Maroc » et pour une mise en œuvre effective du 1 juillet 2020 au 31 décembre 2023.
Par ailleurs, depuis 2014, ONU Femmes accompagne le Ministère de l’Intérieur du Royaume du Maroc – Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT) afin d’accompagner le processus d’institutionnalisation de l’égalité de genre au sein de la DGCT, de renforcer la participation des femmes dans la gestion des affaires territoriales et de promouvoir la gouvernance territoriale sensible au genre. Le projet découlant de cet accord de partenariat a permis d’atteindre des résultats importants en matière de création et de renforcement d’une Unité de l’Egalité de Genre au niveau de la DGCT, de promotion de la participation politique des femmes au niveau local et de production d’outils pour accompagner le processus de planification et de budgétisation sensible au genre au niveau local.
Ainsi, et dans le but de capitaliser sur les résultats acquis dans le cadre de cet accord, Le Ministère de l’Intérieur du Royaume du Maroc – Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT) et l’ONU Femmes ont signé une seconde convention couvrant la période 2017 à 2020. Cette convention vise l’accompagnement de la Direction Générale et des Collectivités Territoriales (au niveau communal, préfectoral/provincial et régional) pour l’intégration de l’approche genre dans les mécanismes de gouvernance territoriale, conformément aux dispositions des lois organiques relatives aux collectivités territoriales (loi 111.14 relative aux régions, loi 112.14 relative aux préfectures et provinces et la loi 113.14 relative aux communes) et à leurs décrets d’application.
Cet accompagnement a permis la production d’outils méthodologiques efficaces de planification locale sensible au genre et le renforcement des capacités des 3 régions pilotes cibles.