Algérie : les arts pour commémorer les droits des femmes

« La résidence a été une expérience inoubliable et une belle aventure humaine. Dans nos travaux, nous avons tous mis, tout est dedans ». C’est avec ces mots forts, prononcés au nom de tous ses amis artistes, que la jeune plasticienne Alia Louiza Belamri a résumé sa participation à la résidence artistique autour de l’égalité, organisée conjointement par le ministère de la Culture, l’Agence Algérienne du Rayonnement Culturel et ONU Femmes, et dont le vernissage a eu lieu le jeudi 8 mars à l’occasion de la Journée Internationale des droits des femmes.

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Les artistes qui ont participé à la résidence avec Imane Hayef et Farah Outeldait d'ONU Femmes Algérie

C’est à la Villa Abdelatif que plusieurs personnalités, artistes, intellectuels et amateurs d’art et de culture se sont retrouvés pour découvrir les œuvres produites pendant la résidence qui s’est tenue du 15 au 24 février 2018. « Nous sommes réunis aujourd’hui dans un lieu hautement symbolique. Ces jeunes artistes ont exercé leur talent et il n’y a pas plus percutant que les arts pour s’interroger et réfléchir. Ils sont venus de diverses régions et ont tous convergé vers un seul idéal. Je veux vous remercier tous et toutes pour cette belle initiative », a déclaré Smaïl Oulebsir, Secrétaire général du ministère de la Culture. Pierre Gillon, ambassadeur du Royaume de Belgique en Algérie, a souligné qu’il appartenait  à  tous de changer les valeurs et les mentalités, et que l’art était le moyen le plus efficace pour y arriver. Rappelant le contexte de la Journée internationale des droits des femmes de cette année, Eric Overvest, Coordonnateur résident du Système des Nations Unies en Algérie, a précisé que celui-ci est marqué par un engagement massif des artistes pour la cause des femmes « Partout dans le monde, des voix de femmes actrices, plasticiennes, musiciennes, se sont élevées contre les discriminations et les violences faites aux femmes ».

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Démontrant l’engagement des artistes en faveur de l’égalité entre les sexes, les travaux exposés racontent les discriminations subies par les femmes algériennes à travers des toiles, des photos et des vidéos installées sur les murs et les salles de Dar Abdelatif ; des œuvres plurielles qui désarçonnent et interrogent. Les échanges entre le public, les artistes et les personnalités présentes ont été riches et animés.

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Hadj Abderahmane Merine explique son œuvre ‘La femme est interdite et son sang est autorisé’ à Eric Overvest, Coordonnateur résident du Système des Nations Unies et Pierre Gillon, Ambassadeur de la Belgique en Algérie

Ainsi, devant une foule attentive, Hadj Abderahmane Merine, un artiste hors normes, présentait avec passion son tableau intitulé ‘La femme est interdite et son sang est autorisé’. Accrochées au mur, 32 fioles contenant du vrai sang sont classées minutieusement l’une contre l’autre. L’artiste, infirmier anesthésiste, a expliqué que le sang des femmes, d’un point de vue social, est souvent mal perçu (virginité, menstruations…), ce qui n’est pas le cas sur le plan médical.  « Quand vous avez besoin de sang, on ne vous demande jamais si vous êtes un homme ou une femme ! Je suis infirmier et je sais de quoi je parle », a-t-il assuré. Des anecdotes, il en a plus d’une dans sa poche. Merine se rappelle du cas d'un homme qui a refusé que sa sœur vienne lui rendre visite à l’hôpital « parce que, pour lui, les femmes ne doivent pas sortir de la maison. Après son opération, il avait besoin en urgence de sang pour une transfusion. Il n’a pas hésité à transgresser cette règle et à recourir à l’aide de sa sœur ». Une contradiction qui préoccupe Merine et qu’il a désiré montrer du doigt.

La vidéo ‘La cage’ de Mohamed Soumeur, le bel enfant de Mostaganem, évoque la liberté. Sa caméra fixe une femme sans âge, emmitouflée dans une large robe, portant un foulard, les bras croisés, qui tourne en rond sans s’arrêter, sans savoir où aller ni comment changer de direction. Du haut du balcon, un homme, dont on peut juste apercevoir les jambes pendues au balcon, l’observe et contrôle ses moindres mouvements. Sans plus d’images ou de mots, en huit minutes, la vidéo résume toute l’injustice que subissent les femmes qui ne peuvent jouir du droit de disposer de leur vie. Diplômé de l’Ecole des beaux-arts de Mostaganem, Mohamed Soumeur est un jeune artiste réservé qui n’aime pas les mots. Il préfère se dire à travers l’image.

Durant leur séjour, les plasticien-nes, vidéastes et photographes, venus de cinq grandes villes algériennes (Béjaia, Mostaganem, Alger, Sidi Bel Abbes et Constantine) ont été encadrés par des professionnels des arts. Le groupe a également pris part à des tables rondes et des projections de films autour des violences faites aux femmes. Ces conférences ont été animées par  la militante Soumia Salhi, l’avocate Nadia Ait Zai et le sociologue Said Djabelkhir.

En 2018, ONU Femmes a choisi de rendre hommage aux luttes des femmes pour leurs droits à travers l’expression artistique de jeunes talents pour porter des messages d’égalité et de non-discrimination et rendre effectifs ces principes inscrits dans la loi algérienne.

Consultez le catalogue de la résidence.