Laïla : "J'ai encore la possibilité de retrouver ma vie"

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"J'ai perdu mes parents quand j'étais petite. J'ai été élevée par une proche, mais dès que j'ai commencé mes études universitaires, elle m'a dit qu'elle n'avait plus de moyens financiers pour me soutenir. J'ai alors quitté sa maison et j'ai commencé à travailler comme assistante d'un directeur d’entreprise. Je me suis confiée à lui sur ma situation familiale et mes difficultés financières, et il m'a permis de rester dans le bureau où je travaillais. Peu après, bien qu'il soit marié, il a proclamé qu’il m’aimait et qu'il prévoyait de me demander bientôt en mariage. J'ai eu confiance en lui et en ses paroles et nous avons commencé à sortir ensemble.

Photo survivante de violence
Laïla tenant son enfant dans ses bras. Photo : ONU Femmes/Mohammed Bakir

Il est rapidement devenu indispensable dans ma vie mais il me frappait dès que j'étais en désaccord avec lui. J'ai tout enduré, de la violence sexuelle à la violence psychologique. Il est devenu de plus en plus violent au fil des jours. Il avait un contrôle total sur moi. Sa femme et lui étaient des personnes de notoriété dans la ville. Avec leurs ressources et leur réseau, il m'a fait croire que je n'avais aucune chance contre eux.

Lorsqu'une amie m'a adressée à l'Unité de Prise en Charge pour les femmes victimes de violences relevant de la Police, j'étais à un stade de ma vie où plus rien ne m’importait réellement. J'étais enceinte, célibataire et seule. Sur le trajet du poste de police, j'étais terrifiée. J'avais peur que [la police] ne me croie pas mais dès que je suis arrivée, j'ai été chaleureusement accueillie par une agente de police. La première chose qu'elle m'a dite et que je ne pourrais jamais oublier est qu'il y a une solution à tout. C’est devenu ma devise dans la vie. Elle m’a encouragée à lui raconter toute ce qui m’était arrivée. Elle m'a écoutée avec beaucoup d'attention et d'intérêt. J'étais soulagée. J'avais le sentiment d’avoir finalement rencontré quelqu'un qui avait une conscience aussi bien professionnelle qu’humaine. À l'époque, je ne me sentais pas en sécurité et pensais que je me trouvais dans une impasse, mais en la rencontrant, j'ai compris que j'avais encore la possibilité de reprendre ma vie en main. Elle est aujourd’hui l'une des rares personnes à savoir ce qui m'est arrivé. Elle m'a mise en contact avec un foyer local pour mères célibataires où j’ai été accueillie et soutenue et a trouvé une place pour mon enfant à naître et moi. Il y a deux ans, ma fille est née. Elle est mon seul espoir. Son nom en arabe signifie "Révolution". Récemment, j'ai obtenu une licence en mathématiques. J'étudiais tout en m'occupant de mon enfant au foyer.  

Je ne veux même pas penser à ce qu'aurait été ma vie si je ne m'étais pas rendue, ce jour-là, à l'unité de prise en charge des femmes victimes de violence relevant de la police. Après les avoir contactés, je me suis sentie valorisée et, surtout, soutenue. C'était tellement rassurant d'être entourée de personnes bienveillantes".

* Le nom et les informations personnelles ont été modifiés pour protéger l'identité de la personne.

En 2018, dès la publication de la loi 103-13 relative aux violences à l’égard des femmes, la DGSN en partenariat avec ONU Femmes ont lancé un programme portant sur la prévention, protection et réponse à la violence à l'égard des femmes et des filles au Maroc. Ce programme, est réalisé avec le financement et le soutien du gouvernement du Canada. Il vise à renforcer la protection et la promotion des droits des femmes et à créer un environnement favorable pour les femmes et les filles victimes de violences grâce à la mise en place des services essentiels accessibles et de qualité, en particulier les services de police et de justice

En collaboration avec l'UNFPA, le PNUD, l'UNODC et l'OMS, ONU Femmes a élaboré un programme régional pour lutter contre la violence à l'égard des femmes et des filles dans les États Arabes, afin de faire le lien entre la recherche et les recommandations politiques, de fournir des conseils pour adapter les normes internationales de prestation de services à la région, et de renforcer la compréhension et la collaboration inter-agence dans plusieurs domaines tels que la prévention.